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Limoud pendant la Avelout

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MrQuestion
Messages: 156
Cher Rav Wattenberg,

Si une personne est Avel (en deuil), qu'Hashem nous en préserve, et que pendant les shiva (7 jours de deuil) elle étudie la torah et la gmara alors que c'est une avera, est-ce qu'elle a quand même un mérite ou non?

Merci
Rav Binyamin Wattenberg
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Si une personne est Avel (en deuil), qu'Hashem nous en préserve, et que pendant les shiva (7 jours de deuil) elle étudie la torah et la gmara alors que c'est une avera, est-ce qu'elle a quand même un mérite ou non?


Il faut savoir que certains Rabbanim ont commis cette « Aveira ».

Celui sur lequel c’est connu et répandu au point qu’il n’y ait plus lieu de craindre le Lashon Hara en dévoilant son identité, c’est le Rogatshover (Rav Yossef Rosen), qui a continué à étudier la Torah durant les Shiva (au décès de sa première femme, cf. Ishim Veshitot p.92) car il n’arrivait pas à se passer d’étude.
Ça reste a priori un péché, mais il est dit dans le Yeroushalmi Moed Katan (III, 5 -daf 16a) (cité dans le Beit Yossef Y’’D §384) אם היה להוט אחר התורה מותר, c’est-à-dire que celui pour qui c’est vraiment trop pénible de ne pas étudier la Torah durant la Aveilout, bénéficierait d’une dérogation.

Un autre Gaon ayant commis le même "péché" est mentionné de manière anonyme dans le Benayahou sur Brakhot (24b) [Je ne sais pas en quelle année le Ben Ish ‘Haï a rédigé son Benayahou, il est décédé en 1909, il pourrait être possible qu’il l’ait écrit assez tard pour que le Gaon indiqué soit le Rogatshover en personne. Ce dernier étant né en 1858 aurait pu être endeuillé du vivant du Ben Ish ‘Haï.]

Voir aussi Harishon Lesholshelet Brisk (p.321) au sujet du Beit Halévy qui, lorsqu’il était en Shiva suite au décès de son père, demandait aux visiteurs venus le consoler de lui dire des Divrei Torah et ‘Hidoushim qu’ils auraient entendus du défunt.
On lui objecta que l’endeuillé ne doit pas étudier et il répondit que s’il s’agit de ‘Hidoushim de la personne sur laquelle on s’endeuille, on peut -et même on doit- écouter ses Divrei Torah.

L’idée serait qu’au lieu de se réjouir de la Torah -ce qui motive l’interdit habituellement, il aurait encore plus de peine sur la perte de son père en entendant ses ‘Hidoushim.
Il faut aussi distinguer celui qui parle de Torah de celui qui entend les Divrei Torah qu’on lui rapporte. La pensée n’est pas toujours considérée comme la parole en matière de Divrei Torah (cf. Safa Leneemanim, note 106, à partir de la page 186).
Le Leket Yosher (II, p.93) écrit qu’un endeuillé a le droit de penser à des Divrei Torah, sans les prononcer. (Mais cela ne suffira pas encore à justifier le Rogatshover qui parlait et enseignait de la Torah durant les Shiva.)

[Rav Moshé Tsuriel-Weiss m’a dit, en se basant sur les annotations de Rabbi Akiva Eiger (Y’’D §344) qui explique que selon le Rambam la Aveilout sert à honorer le défunt (et non à honorer l’endeuillé), que si l’endeuillé sait que le défunt lui serait Mo’hel sur son Kavod d’étudier la Torah pendant la Aveilout, il le pourrait.]

[Il y a aussi des endroits impropres à l’étude de la Torah (pour toute personne), comme aux toilettes, et nous trouvons pourtant (Zva’him 102b) que Rabbi Elazar Bar Shimon ne s’en serait pas privé.

Il semblerait qu’il ait même énoncé une Halakha (à propos du Tvoul Yom) dans un tel endroit (d’autres comprennent qu’il ne l’aurait « que » élaborée, il y aurait réfléchi en étant aux toilettes, mais n’aurait pas « parlé » de Torah en ce lieu, ce qui amoindrit l’infraction).

La Gmara (op cit) expliquera que c’était « Leonso », c-à-d contre son gré, ça lui est venu sans qu’il ne puisse s’en empêcher.
C’est assez étonnant selon la lecture classique où il aurait parlé et pas seulement pensé.
Voir encore Mishna Broura (§85, sk.8).

Mais il faut aussi savoir que dans le Yeroushalmi (Brakhot III, 4 -26b) il y a une Ma’hloket sur ce sujet (penser à des Divrei Torah aux toilettes), selon ‘Hezkia c’est autorisé, selon R. Yassa (Yossé/Yossi) c’est interdit.
Suite à ça, le Yeroushalmi rapporte que R. Zeïra a dit que c’est l’endroit par excellence où il se concentrait sur les Svarot difficiles et que R. Elazar Bar Shimon a dit que c’est aux toilettes qu’il a pensé à la Svara concernant la Halakha du Tvoul Yom -celle dont il est question dans Zva’him (102b).
Si c’était « contre son gré/(Leonso) », il ne fallait pas le citer ici pour abonder dans le sens de ‘Hezkia…
Nous avons donc une divergence d’interprétation des faits entre le Bavli et le Yeroushalmi quant à savoir si R. Elazar Bar Shimon a pensé à des Divrei Torah volontairement ou involontairement en étant aux toilettes.

Il est probable que l’origine de cette divergence soit une différence de témoignage concernant l’histoire de R. Elazar Bar Shimon ; dans le Bavli on comprend qu’il aurait parlé (car Rav(a) l’aurait entendu) et dans le Yeroushalmi il s’agirait seulement de penser sans parler.
Voilà pourquoi le Bavli explique que c’était contre son gré, alors que le Yeroushalmi se contente de considérer qu’il pensait comme ‘Hezkia.

Un ami et ancien élève de Kol Torah m’a rapporté qu’une fois, Rav Shimon Moshé Diskin avait dit aux élèves au sujet de la Svara qu’il leur présentait, qu’elle lui était venu étant aux toilettes, contre son gré.]


On voit en tout cas qu’il y a eu des Tsadikim qui ont étudié la Torah durant leur période de deuil.

Je retrouve un peu cette idée sous la plume de Rabbi ‘Haim Palacci dans Tsavaa Me’haïm (§2 -Jér. 1999, p.9) au nom du Apirion Shlomo qui commente le Midrash (Midrash Raba Vaéra §VII, 1 et Yalkout Mishlei §XIV) sur le verset (Mishlei XIV, 23) בכל עצב יהיה מותר

Ce Midrash commente le verset ainsi בכל הדברים שאדם נו"נ בהם ד"ת הוא נוטל עליהן שכר
Le Ets Yossef explique que celui qui parle de Torah et au milieu de son explication intercale des paroles qui ne sont pas de Torah en elles-mêmes mais qui permettent de comprendre les paroles de Torah, sera récompensé pour ces paroles aussi.

Alors que le Apirion Shlomo explique que le Midrash vient dire que même si quelqu’un étudie lorsqu’il est triste (עצב) et en deuil, bien que ce soit défendu, il aura du Sakhar (מותר) sur le Limoud, en parallèle de son péché qui lui sera reproché.

On pourrait trouver cette idée contradictoire, mais je pense qu’il faut distinguer les aspects que l’on réunit sous l’appellation « mérites » ; si l’on considère un mérite venant rétribuer la Mitsva, on ne peut nier l’existence d’un mérite intrinsèque à la Mitsva, c-à-d que celui qui va étudier la Torah (réellement, en absorbant ce qu’il étudie), se retrouve mécaniquement plus élevé, plus proche de D.ieu -que cette étude ait été une Mitsva ou une Aveira.
C-à-d qu’en dehors de l’aspect « infraction » qui lui est reproché, il va gagner une proximité à D.ieu d’une certaine manière, tout en s’en éloignant aussi de par sa Aveira (le fait d’avoir étudié en étant Avel).
Ephra
Messages: 43
Bonsoir Rav,

Pourrait-on étudier en Iyoun Tour Beth Yossef Choulhan Aroukh Nossei Kelim en période de Avelout (sachant que cest un plaisir d'avancer en seder Halakha ?) Mais que ceci est un sujet permis a priori...
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6311
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Pourrait-on étudier en Iyoun Tour Beth Yossef Choulhan Aroukh Nossei Kelim en période de Avelout (sachant que cest un plaisir d'avancer en seder Halakha ?) Mais que ceci est un sujet permis a priori...


Je pense que vous vouliez parler d'étudier dans le Tour des sujets de Aveilout (ce n'était pas clairement précisé).

Les Poskim indiquent de ne pas les étudier en Iyoun (Taz O"H §554, sk.2) (Maguen Avraham §554, sk.5), c-à-d qu'il ne faut pas chercher à produire des 'Hidoushim etc. mais simplement apprendre les halakhot.

Toutefois, le Elia Raba (Y"D §384) (en estimant que c'est aussi l'avis du Levoush) autorise l'étude approfondie tant qu'elle n'est pas publique.
Mais les décisionnaires, dans leur majorité, ne retiennent pas cet avis.
Le Maamar Mordekhaï (Y"D §384) penche quand même pour autoriser mais indique d'être Ma'hmir pour tenir compte de la position du Taz, si c'est possible.
Il faut souligner que le 'Hazon Ish autorisait (parait-il) lui aussi l'étude approfondie des lois de Aveilout. Cf. Divrei Sofrim, Dinim Vehanhagot (p.3 §24) où 3 élèves du 'Hazon Ish (Rav Greineman, Rav Nadel et Rav Kanievsky) témoignent de sa position sur le sujet.

Néanmoins, même pour ceux qui interdisent, si lors de l'étude "simple", des 'Hidoushim "viennent d'eux-mêmes", il est autorisé de les noter. (Aroukh Hashoul'han Y"D §384, sk.5)


Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Lun 02 Mai 2022, 14:27; édité 1 fois
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6311
J'ajoute encore un élément à propos des rabbanim qui se sont autorisé l'étude durant leur Aveilout (et que nous pouvons justifier par le Yeroushalmi (op cit) qui dit que אם היה להוט אחר התורה מותר).

Hier, j'en ai parlé avec Rav Shlomo Kanievsky qui était de passage en France (pour moins de 24h) et il m'a dit que son père (Reb 'Haim) ne s'était pas autorisé cela lors de ses moments d'Aveilout. Il n'avait étudié que les sujets autorisés et sans approfondissement réjouissant.

[Il m'a dit que son père ne s'autorisait pas non plus l'écriture de 'Hidoushei Torah durant 'Hol Hamoed, bien que le 'Hazon Ish l'autorisait et le faisait lui-même.]
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6311
J'ajoute encore à la liste des Gdolim qui ont étudié durant leur Aveilout, le "Gadol" anonyme cité par le 'Hida dans Birkei Yossef (Y"D §384, sk.3).
Et il me semble que l'on puisse aussi ajouter le 'Hatam Sofer puisqu'il l'écrit presque explicitement dans son Shout 'Hatam Sofer (Y"D §346).
(Il y écrit avoir étudié en Iyoun -durant la semaine de deuil suite au décès de sa mère- des lois de Aveilout qui lui avaient été soumises par écrit (par voie postale) par son beau-père Rabbi Akiva Eiger.)

Concernant ce Gadol cité par le 'Hida, je précise que ce dernier critique sa conduite (et c'est pourquoi il ne le nomme pas).

[Etrangement, le Aroukh Hashoul'han (Y"D §384, 4-5) se prononce en désaccord avec le 'Hida et apporte son soutien au Gadol anonyme, mais tout en soulignant que s'il est autorisé d'étudier en Iyoun, ce n'est qu'a posteriori; on ne se le permettra pas a priori.
Je trouve donc étonnant qu'il se déclare en désaccord avec le 'Hida sur cette halakha car il me semble que leur désaccord ne s'articule que sur leur compréhension différente de l'attitude dudit gadol. Pour le Aroukh Hashoul'han ce Gadol n'aurait étudié BeIyoun uniquement "contre son gré", il se déclare donc en accord avec le gadol. Tandis que le 'Hida avait compris que ledit Gadol se serait installé Lekhate'hila pour étudier en Iyoun et il s'opposait donc à cette attitude.
Il en résulte que nos deux rabbanim sont d'accord sans le savoir.]


Tous ces Tsadikim se l'autorisaient -pour ceux qui étudiaient en Iyoun des sujets de Aveilout- probablement en suivant l'opinion du Elia Raba (op cit), et pour les autres, en considérant le Yeroushalmi Moed Katan (op cit).
Cependant cette Halakha n'a pas été rapportée par les Poskim et certains A'haronim l'ont expliqué en disant que celui qui serait réellement להוט אחר התורה pourrait parfaitement assouvir son envie de Torah par l'étude des parties autorisées en période de deuil. Dès lors, pourquoi lui autoriser l'étude?

Nous trouvons le Tossefet Yeroushalayim [ce sefer est intitulé ainsi תוספת ירושלים sans Vav, mais uniquement sur la page de garde. Alors qu'à l'intérieur, l'en-tête de chaque page indique que le titre du Sefer serait Tosfot Yeroushalayim avec un vav.

Je ne sais pas si l'auteur voulait le nommer Tosfot ou Tossefet; Tosfot est plus classique, mais l'ouvrage se basant essentiellement sur le Yeroushalmi et la Tossefta, on peut penser qu'il l'ait nommé Tossefet Yeroushalayim.

Quoi qu'il en soit, étant donné que les Poskim le citent sans Vav, j'ai retranscris Tossefet en caractères latins, bien que l'on puisse lire Tosfot en dépit de l'absence du vav.

La même ambiguïté existe quant au titre du Gvourot Ari du Shaagat Arié, c'est un sefer sur 3 traités: Yoma Taanit Makot.
Dans l'édition que je possède (Sefriat Bnei Torah) les 3 sont regroupés en un tome. La 1ère et la 3ème partie (Yoma et Makot) ont été éditées à Piotrkow en 1907 et le titre est sans Vav: Gvourat Ari.
Mais la partie du milieu, sur Taanit, a été éditée à Vilna en 1862 et a pour titre Gvourot Ari avec un vav. Il est probable que le véritable titre soit Gvourot.]

Je m'écarte... sorry. J'en reviens à ce que je disais:
Nous trouvons le Tossefet Yeroushalayim (Y"D §384 -Vilna 1871, daf 36a) et surtout le Maharsham (Daat Torah O"H §554, 1) qui objecte sur le Yeroushalmi qu'il y a possibilité d'étudier les passages autorisés et donc pourquoi créer une dérogation pour l'amoureux de la Torah?

Il me semble que la réponse est assez simple; même en étudiant les passages autorisés, il ne s'agit que d'une étude superficielle et cette dernière n'est pas de nature à assouvir les besoins de l'amoureux de la Torah, voilà pourquoi le Yeroushalmi lui autorise d'étudier en profondeur. Il lui autorise par la même occasion les sujets non liés à la Aveilout car à partir du moment où l'on lui autorise l'étude approfondie qui réjouit, cela ne change plus grand chose s'il se réjouit de la Torah sur tel ou tel sujet (selon la Svara de ceux qui interdisent l'étude approfondie des lois de Aveilout).
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